Le réseau hydraulique de l’Abbaye : de l’eau pour tous les usages 

De tous temps, le site d’implantation d’une abbaye a fait l’objet d’un choix minutieux. Les moines s’y installent « pour l’Éternité » et le lieu doit répondre à de nombreux critères, tant spirituels que géopolitiques et matériels. Parmi ces derniers, la présence d’une eau abondante et régulière est déterminante. En véritables experts, les moines aménagent les vallées en fonction de leurs besoins qui sont variés (T. COOMANS, Les ouvrages hydrauliques, p. 40).  

Ainsi « l’eau s’accumule à l’abri d’une digue pour accueillir un vivier ; elle irrigue vergers et jardins ; elle entraîne les roues des moulins, des martinets ou des foulons ; elle est canalisée par un bief ou par des conduites jusque dans l’abbaye, jaillissant dans la vasque du lavabo ou murmurant sous les dalles de la cuisine ; elle draine, par un égout, les décharges et les latrines » (R. PREYSSOURE, Le rêve cistercien, p. 44).

 

Réseau hydraulique de l'abbaye de Villers

Qu’en est-il du réseau hydraulique de Villers ?  

Tel qu’il se présente aujourd’hui, le réseau hydraulique de l’abbaye résulte de siècles d’aménagements. Etant donné l’obstacle naturel au développement des constructions constitué par l’étroitesse de la vallée, les moines ont voûté la rivière, canalisé ses affluents, et établi par-dessus un nivellement artificiel permettant aux bâtiments de s’étendre d’un versant à l’autre.

Le voûtement de la Thyle, réalisé par phases du 13e au 18e siècle, atteint une longueur de 272 m. Ainsi, le tronçon de la rivière entre les deux coudes se trouve enterré et canalisé dans un ouvrage hydraulique exceptionnel. Depuis l’époque des moines, le réseau hydraulique a été profondément bouleversé. La construction du chemin de fer (1853) et de la route actuelle (1938) ont modifié l'écoulement des eaux, l’étang a été comblé.  La dérivation du moulin est réutilisée depuis 2016, grâce à l’installation d’une nouvelle roue en acier corten et d’une turbine associée. Elle fournit une petite partie de l’électricité du bâtiment.

Petit aperçu des aménagements hydrauliques successifs, d’amont en aval de la Thyle et du 13e au 18e siècle. 

Dès le 13e siècle, 4 grands réseaux de canalisation pour le drainage, pour l’adduction et la distribution, pour l’évacuation des eaux usées et pour la collecte et l’évacuation des eaux de pluie sont créés. En amont du site, étangs, viviers, moulins, bief, et canal de décharge sont aménagés. La Thyle coule encore à ciel ouvert, mais dès son entrée dans la zone du site abbatial proprement dit, un voûtement de 271 m de long sur 4m50 de large et 1m50 à 2m au-dessus du niveau de l’eau vient la recouvrir. Les terres de remblai extraites de ces travaux colossaux servent à agrandir l’espace à l’origine très étroit de la vallée, et à créer une assiette artificielle stable sur laquelle venir ériger les bâtiments de l’Abbaye. En aval du site, la Thyle coule à ciel ouvert jusqu’au pont d’Ache et au moulin de Chevelipont qui font eux aussi partie de la première vague des aménagements.  

Aux 14e et 15e siècle, le voûtement est étendu vers l’ouest du site abbatial, et un lavabo est aménagé dans la galerie sud du cloître, en face du réfectoire des moines.

La Thyle

Enfin, au 18e siècle, le voûtement de la Thyle comme collecteur principal des eaux usées est étendu à l’entièreté de son cours dans le site abbatial et un nouveau lavabo octogonal vient remplacer celui constitué de bassins superposés dans la galerie sud du cloître. Dans la foulée de la construction du nouveau palais abbatial, des jardins à la française avec plusieurs fontaines sont aménagés.